© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p9

05/10/2017 06:01 par tellurikwaves

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    05/10/2017 06:01 par tellurikwaves

Patrick Bittar
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Clouzot s’est inspiré d’un fait divers jugé en 1953. Mais il a eu l’intelligence de transformer l’étudiante en médecine en jeune fille oisive, et d’éliminer son passé de femme tondue et violée à la Libération. Ainsi, Dominique Marceau (Brigitte Bardot) est une adolescente provinciale belle et sans désir défini, juste un peu rebelle aux modèles des autorités de l’époque. Une candidate parfaite à la passion mimétique.
 
Elle suit sa sœur violoniste, Annie (Marie-José Nat, ci-contre), à Paris, où elle découvre la jeunesse bohême du Quartier Latin, composée d’intellectuels,d’écrivains et de musiciens en herbe… Elle traîne avec un petit groupe, lit « Les Mandarins » de Simone de Beauvoir (lecture scandaleuse pour l’époque)…«Cette vie de dissipation aboutit très logiquement à sa conséquence : vous prenez un amant. », résume le Président de la Cour d’Assises.

Accusée de meurtre passionnel, la jeune fille aux mœurs légères subit l’opprobre de la société bien-pensante de l’époque (le monde a bien changé en un demi-siècle !).
Un de ses copains, Michel (Jean-Loup Reynold), vient témoigner à la barre :
« - Dominique était sincère. Non, ça, c’était pas une de ces bourgeoises organisées qui mangent le pognon au mari, le plaisir à l’amant et enfilent leur vison pour venir voir juger les autres. - Bornez-vous à parler de l’accusé ! », intime le Président de la Cour.

« Encore un bon témoin qui va nous claquer dans les mains ! », glisse l’avocat de la défense à son assistante.
« - Dominique ne croyait plus à la morale hypocrite de nos parents, comme nous tous.
- Au fond, c’est ça qu’on lui reproche !
», lâche le juge.
- Mais vous êtes des adultes : vous ne pouvez pas comprendre. Il faudrait que Dominique soit jugée par des jeunes. Je ne dis pas que l’on ait raison : non,nous pensons autrement, c’est tout. »

Cette remarque reflète la position de Clouzot, qui souligne la complexité de l’entreprise consistant à essayer de comprendre les faits et définir La vérité de ce qui est en jeu : le crime était-il passionnel ? Est-ce que Dominique « aimait » Gilbert (Sami Frey), sa victime ?

Ceci dit, à aucun moment l’avocat de la défense ne pose la simple question d’un autre motif plausible que la passion. Parce que ce que la Cour juge au fond, via un jury populaire, c’est une manière de vivre son désir amoureux.Et ce que le film montre, c’est le procès d’une génération par une autre, séparées par un fossé, et le processus de l’explosion du désir mimétique liée à la libération des mœurs en train d’advenir.Ce qui est intéressant (et très propre, il me semble, à l’esprit de Clouzot), c’est la construction par aller-retour entre le présent du procès et les flashbacks de l’histoire d’amour : cette construction permet l’alternance entre la vie, le déroulement de la passion mimétique, et son jugement au sein de la scène institutionnelle qu’est le tribunal, son décorticage par les instances de jugement. Autrement dit, en même temps qu’il le montre se déployer, le film permet d’analyser le mécanisme mimétique de la passion amoureuse.

L’avocat de la partie civile s’évertue à montrer que Dominique n’aimait pas vraiment Gilbert. C’est Maître Eparvier (Paul Meurisse, ci-contre). Il interroge Michel :
*
« Pour ne jamais cesser d’aimer, il faut avoir aimé d’abord, non ? Alors entre Gilbert et Dominique vous avez eu l’impression du coup de foudre ?
- Pas tout de suite, non, mais après…
- Quand ? Ecoutez, je vais vous aider, vous m’arrêterez. Quand elle ridiculisait cet amant adoré avec Ludo ? Quand elle rompait ? Quand elle oubliait son désespoir en se livrant à la prostitution ? Toujours non ? Alors quand ?
-  Enfin tout de même, Dominique est revenue à Gilbert ?
- Quand elle a appris qu’elle allait épouser sa sœur, sa sœur qu’elle détestait (…) Si Dominique est amoureuse de Gilbert, on comprend rien. Voyons : dès leur première rencontre, elle le traite de « petit connard pontifiant », c’est curieux. Après quoi, Louvier, Jérôme, Ludo, trois amants coup sur coup. Pour une femme amoureuse, c’est bizarre. La rupture survient. Une femme amoureuse chercherait à s’expliquer, ferait n’importe quoi pour revoir Gilbert, elle, rien : vous trouvez ça normal ? Et ça dure six mois. Six mois de veulerie, six mois de débauche, six mois de silence. Et puis brusquement, elle décide qu’elle ne peut plus vivre sans Gilbert. Elle se procure une arme et se précipite chez lui. Vous comprenez ça, vous ? Moi pas ! Au contraire, si Dominique déteste sa sœur, si elle n’agit que pour lui enlever Gilbert, tout s’explique (…) On comprend très bien… »

Evidemment, il a raison : il a repéré le troisième élément de la relation mimétique, toujours triangulaire ; un élément essentiel et souvent escamoté par les amoureux, comme il l’est habilement dans les séquences qui nous font partager leur passion : c’est Annie, la sœur de Dominique.L’avocat de la défense quant à lui, Maître Guérin (Charles Vanel, ci-contre), va mettre en lumière le non-amour de Gilbert à l’endroit de Dominique :

« Rien ne l’arrête, pas même cette aventure qu’elle a presque sous ses yeux ! Il la veut, il la lui faut quand même ! Et il la prend toute chaude encore de l’étreinte de l’autre. Et vous appelez ça de l’amour ? Durant sept mois de liaison que va-t-il en faire ? Son lit. Son lit tous les jours, ça oui. Mais une heure par jour : si elle passait la nuit dans ses bras, elle pourrait troubler son confort. »

Lui aussi a raison.
Dominique et Gilbert sont tous deux victimes du processus infernal du désir mimétique.Le soir où, désespéré, délaissée, Dominique voit Gilbert sur les téléviseurs derrière une vitrine, en train de diriger un orchestre : l’image répétée, livrée au public (notamment aux passants, autour de Dominique), qui magnifie et multiplie l’objet du désir, le rend encore plus désirable, et impossible à perdre.

L’intelligence de Clouzot est dans tous les choix de réalisation de ce chef d’œuvre. Notamment dans le casting : pour incarner la meurtrière, il choisit Brigitte Bardot, objet par excellence du désir mimétique, et donc formidable vecteur d’identification.A t-elle été plus belle et plus juste que dans ce film ? Dans « Le Mépris » de Godard, trois ans plus tard ? Pour Jean-Louis Bory, la réponse ne fait aucun doute: « Le prétexte, l'objet du film (« Le Mépris »), plus que le roman italien, c'est BB. Ce que Vadim a imaginé dans son premier film, mais n'a plus été capable de réaliser, ce que Louis Malle a raté dans « Vie privée », Godard l'a réussi. « Le Mépris » est le film de Bardot, parce qu'il est le film de la femme telle que Godard la conçoit et telle que Bardot l'incarne. »Clouzot n’est même pas évoqué pour évoquer le travail de ceux qui l’ont dédaigné aux Cahiers du Cinéma.

En tous cas la scène où Gilbert découvre Dominique, couchée sur le ventre, les fesses nues, est citée par Godard, dans la fameuse scène du début du «Mépris » .Et Bardot ici en noir et blanc, avec sa crinière, est à la fois sublime et « accessible ». C’est la pauvre fille sublime. Pas la star. Elle est touchante, et je suis amoureux de Bardot amoureuse. J’adore sa voix, son phrasé un peu traînant (la voix cassée de Marie-José Nat est parfaite aussi).

Et si elle m’a tant plu, c’est que j’ai été touché par le côté à la fois froid et intense du film. Intense, comme cette belle scène, quand Gilbert attend Dominique devant son hôtel, la nuit où elle est partie derrière un mec en moto. La réalisation est très sobre, très juste, et procède par petites touches… qui m’ont touché. On a tous vécu ce genre de moment, où le moindre bruit vous fait tourner la tête, où l’on est épuisé(e) d’avoir attendu toute la nuit celui/celle qu'on aime…

Après cette nuit épuisante, Gilbert emmène Dominique à un mariage où il doit jouer de l’orgue. Et il la questionne tout en jouant, s’énerve, et finit par jouer n’importe quoi (c’est assez drôle, mais Clouzot, comme d’habitude, n’insiste pas). Puis il se reprend, et Dominique dit : « Dans le fond, je suis contente d’être venue, c’est si beau »…

Froid comme Gilbert. Au feu de Brigitte Bardot, Clouzot oppose l’eau de Gilbert. Pour incarner la victime (nécessairement moins présente à l’écran), Clouzot choisit Sami Frey plus froid, plus lisse, et qui irradie beaucoup moins que Bardot… même lorsqu’il dirige avec fougue « L’Oiseau de feu » de Stravinsky.
Il est intéressant de noter que ce ballet est inspiré d’un conte populaire russe, où un jeune homme poursuit un oiseau merveilleux, tout d’or et de flammes. Il ne réussit pas à s’en emparer, mais arrache une de ses plumes scintillantes. Il vit une histoire d’amour avec la Princesse de la Beauté Sublime. Et le danger qui le guette est d’être changé en pierre par des puissances maléfiques. Cela rappelle l’effet de fascination de la gorgone, que peut évoquer Brigitte Bardot, avec sa chevelure… En tous cas, c’est vivante, en mouvement que Bardot est charmante. Les photos du film ne savent pas transmettre ce charme.

Dans ses mémoires, (« Initiales B.B. »), la comédienne se souvient de la scène finale où elle crie au tribunal : « C’est pour ça que vous me jugez : parce que vous êtes tous morts, morts ! »
« J'attendis une seconde ou deux. Je les regardais, ceux-là, qui me jugeaient parce que j'osais vivre ! Puis ma voix s'éleva. Cassée, rauque, puissante, je leur dis ce que j'avais à leur dire à tous. Ma force venait de mes entrailles, je vibrais, je jouais ma tête, ma vie, ma liberté. Je pleurais, brisée par les larmes, ma voix hoqueta mais je continuais jusqu'à la fin et tombais assise, la tête entre les mains, en proie à une véritable crise de désespoir. Il y eu un moment de silence puis Clouzot cria « Coupez ! » Alors, toute la salle du tribunal m'applaudit, les figurants pleuraient, les juges étaient émus, les jurés impressionnés. Ce fut une des plus grandes émotions de ma vie. »

« La Vérité » est un des plus beaux films d’amour, qui rend avec justesse à la fois :

- la fraîcheur, l’idéalisme du premier amour, sans aucune ironie. Par exemple cette scène, après qu’ils ont fait l’amour pour la première fois. La copine qui leur a prêté sa chambre, attend dehors, sur le palier, soulignant l’intimité du plan suivant. Très court (très classe), ce plan nous rend compte  de l’essentiel d’un vécu qui n’appartient qu’aux deux amoureux dans l’obscurité, couchés : « Tu sais, j’aurais jamais cru…- Moi non plus j’aurais jamais cru… »

Et c’est tout ! Tellement beau, efficace, vrai !- la vanité de ces premiers amours, condamnés d’avance, mus par le désir mimétique. Mais on n’est pas dans le mélo larmoyant. Les dialogues sont plein d’esprit, de fraîcheur et de vie. Quand Gilbert revient voir Dominique, qui lui a tapé dans l’œil :

- C’est votre sœur qui m’envoie, elle est très inquiète, et je la comprends.
- Elle pouvait pas se déranger ?
- Elle craignait peut-être de rencontrer… votre amant.
- Michel ?! Un ancien seulement…
- Un ancien qui continue, moi j’appelle pas ça un ancien.
- Boh… il m’fait presque plus rien Michel ; juste un peu les pieds de temps en temps parce que j’aime ça, et puis les seins pour se faire plaisir à lui, rien d’autre.
- Ouais oh si vous croyez m’épater !
- Je vous « quoi » alors ?
- Vous m’intéressez. Ça m’amuse de vous observez. Vous êtes un cas.
- Un cas !? Et mon cul c’est du poulet ? Faut qu’j’m’habille.
- Déjà, il est quelle heure ? Trois heures et demie vous savez !
- J’crève de faim.

Ça va vite : le montage est nerveux, les dialogues s’enchaînent d’une scène sur l’autre.
« Sale coup » dit Paul Meurisse à la fin, lorsque la nouvelle du suicide de l'accusée a sonné le glas du procès. « Les aléas du métiers », répond Charles Vanel, son double de la défense, en lui tapant sur l’épaule. Dans les petits rôles on a Jackie Sardou, Claude Berri, Jacques Perrin (pas reconnus !)


Oscar du meilleur film étranger.
Publié par Patrick Bittar à 01:08

 

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p8

04/10/2017 15:54 par tellurikwaves

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Paul Meueueueu...risse

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p7

04/10/2017 06:00 par tellurikwaves

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    04/10/2017 06:00 par tellurikwaves

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p6

04/10/2017 06:00 par tellurikwaves

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    04/10/2017 06:00 par tellurikwaves

Samy Frey & BB

 

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BLOG LE MONDE

Elle :
Un excellent film qui souffle le vent de la rébellion et même annonce les grands bouleversements qui vont agiter la société française de ces années 60. Ce drame passionnel qui se joue entre un jeune chef d’orchestre et sa jeune amie volage éprise de liberté donne lieu à un procès où les corps institutionnels (avocats, juges, police, famille) sont férocement montrés par le cinéaste pour leur rigidité, leurs conventions ridicules, leur hypocrisie, leur propension à créer du sensationnel pour alimenter les journaux. Clouzot fait des allers retours entre le déroulement des évènements et le tribunal. La Vérité fait la part belle à une jeunesse qui se réveille, provoque, bouleverse les codes moraux et désire s’émanciper. Le ton est plein de fraîcheur, de désinvolture, d’insouciance, de sensualité et d’humour.
Note : 5 étoiles

Lui :
La jeune et jolie Dominique (Brigitte Bardot) est jugée pour le meurtre du seul homme qu’elle ait aimé (Sami Frey). La société voit en elle une jeune fille aux mœurs dissolues et refuse de reconnaître le crime passionnel. La Vérité est mis en scène avec grande précision par Henri-Georges Clouzot, les scènes de prétoires étant entrecoupées de flashbacks nous permettant de mieux mesurer le décalage entre la vision de la Justice et la réalité. Les joutes oratoires entre avocats (Charles Vanel et Paul Meurisse) sont assez brillantes ; elles auraient été inspirées au cinéaste par celles de Maîtres René Floriot et Maurice Garçon.

La direction d’acteurs est tout aussi précise et La Vérité offre incontestablement à Brigitte Bardot le plus grand rôle de toute sa carrière (et on peut en dire autant, très certainement, de Sami Frey). Les films de Clouzot, et celui-ci en particulier, furent raillés par les défenseurs de la Nouvelle Vague car trop représentatifs d’un « vieux cinéma ». Le recul permet de mesurer à quel point ces attaques étaient futiles * tant La Vérité reste d’une indéniable force 50 ans plus tard.
Note : 5 étoiles

Le parallèle entre Brigitte Bardot (dont la célébrité était alors à son apogée) et son personnage dans le film a largement alimenté les chroniques. Pour ne rien arranger, Brigitte Bardot fera, comme son personnage dans La Vérité, une tentative de suicide peu après (sans qu’il n’y ait, semble t-il, de lien direct avec le film) et elle aura également une aventure avec Sami Frey.

 

* Une fois de plus les défenseurs de "La Nouvelle vague"
(François Truffaut en particulier) auraient
mieux fait de fermer leur gueule

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p5

04/10/2017 05:53 par tellurikwaves

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    04/10/2017 05:53 par tellurikwaves

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03/10/2017 05:09 par tellurikwaves

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    03/10/2017 05:09 par tellurikwaves

CRITIKAT
LES BOURGEOIS ET LA PUTAIN, par Clément Graminiès

La Vérité réalisé par Henri-Georges Clouzot


En pleine explosion de la Nouvelle Vague, l’un des plus admirables réalisateurs français des années 1940 et 1950 s’offrait les services d’un sex-symbol,Brigitte Bardot, pour dresser une nouvelle fois le portrait à charge d’une société puritaine et hypocrite, dénuée de compassion pour les monstres qu’elle pouvait engendrer. Le résultat est d’une précision remarquable, d’une ironie impitoyable et permet à la plus célèbre poupée du cinéma français de se distinguer par une très belle composition dramatique.

En 1960, lorsque La Vérité sort sur les écrans, Brigitte Bardot est la star de cinéma par excellence, bénéficiant d’une aura qui la rend très populaire dans le monde entier, même jusqu’aux États-Unis, ce qui permettra très certainement à Clouzot d’être nommé cette année-là à l’Oscar du meilleur film étranger. Pour qui s’est intéressé à la vie de l’actrice de cinéma depuis son départ en retraite en 1973, la chose semble difficile à imaginer puisque le mythe s’est dramatiquement érodé au fil de déclarations en tout genre (politique, religion, sexualité) qui lui valent aujourd’hui le titre peu disputé de people la moins fréquentable de France.

Pourtant, lorsque Brigitte Bardot, à peine âgée de vingt ans, déboule sur les écrans français au beau milieu des années 1950, elle révolutionne l’image de la femme et bouscule la bienséance bourgeoise qui, découvrant Et Dieu… créa la femme (1956) ou En cas de malheur (1958), ne sait plus vraiment où poser ses yeux. La nudité s’y affiche sans complexe, la caméra devient complice de jeux sexuels équivoques et ce sans cette distance ironique propre au cinéma américain qui faisait par exemple de Marilyn Monroe un être ultra sexué mais définitivement inaccessible.

Inconsciente de la furie qu’elle pouvait provoquer chez ses interlocuteurs masculins, Bardot était en quelque sorte la nymphette épanouie vivant dans l’immeuble d’à côté. En 1963,c’est avec cette image publique que jouera Jean-Luc Godard en lui confiant le rôle d’une femme au bord de la rupture amoureuse dans l’inoubliable Mépris.Forcément réceptif au trouble que l’actrice pouvait provoquer au sein du public et de la gêne qu’elle pouvait parfois susciter, Henri-Georges Clouzot y vit très certainement l’opportunité d’attaquer une nouvelle fois le moralisme bourgeois qu’il n’a cessé d’exécrer dans l’ensemble de ses films, des pétainistes du Corbeau (1943) aux provinciaux des Diaboliques (1955).

Mais là où Roger Vadim, Claude Autant-Lara et autres Julien Duvivier se contentaient de jouer à la poupée qu’on effeuille avec un brin de salacité, le réalisateur de Quai des Orfèvres souhaite donner à l’ingénue séductrice une véritable dimension tragique,osant quasiment en faire une martyre du puritanisme dont on ne sait plus vraiment si le principal crime est d’avoir tué son amant ou d’assumer aussi librement sa sexualité. Pour cela, Clouzot ne reculera devant rien, armé d’un scénario très solide et d’une mise en scène impitoyable qui ne laisse strictement rien au hasard. Mais la peinture de ses contemporains fait état d’une telle médiocrité généralisée qu’on peine à imaginer comment le film put être reçu aussi favorablement par le public à l’aube des années 1960.

Et pour soutenir jusqu’au bout l’analogie, le récit de La Vérité sera entièrement articulé autour du procès de la jeune femme, créant un étrange et culotté jeu de miroir entre l’assistance et le public de la salle obscure tandis que les avocats, peu avares de déclarations caustiques à la limite du cynisme, sont les porte-paroles du réalisateur.Brigitte Bardot incarne donc Dominique Marceau, jeune femme oisive qui ne sait trop quoi faire de sa vie mis à part séduire les hommes qui se présentent à elle. Désespérée par son quotidien qui ne lui inspire qu’ennui, elle parvient à convaincre ses parents de la laisser suivre sa sœur (Marie-José Nat), son exact opposé, à Paris.

Insouciante et vaguement égoïste, elle vit aux crochets de sa sœur et finit même par s’enticher de son petit ami, Gilbert Tellier (Sami Frey),brillant musicien qui dissimule derrière son sérieux une propension à la passion la plus dévorante. Laissant de côté un instant sa raison et ses exigences intellectuelles, il succombe au charme endiablé de Dominique, probablement l’une des seules filles de sa génération à pouvoir remuer si gracieusement ses fesses nues à peine cachées par un léger drap de lit.

Pour les deux amants commence alors une histoire houleuse mais condamnée d’avance, écrasés tous deux par une pression sociale qui ne peut ériger le désir sexuel comme moteur principal d’une relation. Détruite par un sentiment amoureux dont elle se croyait protégée, la jeune nymphe se transforme progressivement en fantôme d’elle-même (ce à quoi le jeu vaguement désincarné de Bardot donne une très belle dimension) jusqu’à commettre l’irréparable dans un moment de détresse totale.

Là où de nombreux réalisateurs se sont parfois contentés de poser au beau milieu du film un corps dont la seule beauté allait devenir le principal ressort scénaristique, Clouzot n’hésite pas un seul instant à malmener violemment l’image de l’icône jusqu’à la rendre profondément pathétique. Ici, malgré la très grande précision apportée à la reconstitution d’un Paris bohème, la volonté de réalisme est de mise. La jeune femme se déconnecte progressivement de tout ce qui la rattachait à la société : fâchée avec sa sœur, elle perd son logement, vit de combines pour ne pas dormir dans la rue et va jusqu’à monnayer son corps pour subsister.

 Oisive, charnelle, mendiante et prostituée, Dominique Marceau cumule toutes les tares qui feront d’elle la coupable idéale aux yeux de l’opinion. Les chefs d’accusation au cours d’un procès appellent une succession de tableaux pendant lesquels le réalisateur dessinera un personnage d’une belle ambiguïté, jouant avec le feu sans jamais mesurer l’extrême danger qui se présente à elle. Mais derrière la froideur cynique de Clouzot, n’oublions pas que l’homme, passionné par les tourments intérieurs de ses personnages, est probablement celui qui a su filmer Bardot avec le plus d’humanité.

Rarement son visage inondé de larmes, reflet de toutes les humiliations dont elle a été l’objet, n’aura paru si beau. Et ce cri de désespoir lancé à une assistance incapable d’empathie («Vous êtes tous morts!» hurle-t-elle) résonne encore comme l’une des plus déchirantes déclarations de guerre de la part d’un réalisateur qui, s’il n’a pas vraiment survécu à la révolution de la Nouvelle Vague, a toujours fait preuve d’une exigence pour son art qui force le respect.

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p3

03/10/2017 04:55 par tellurikwaves

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    03/10/2017 04:55 par tellurikwaves

En cours de recherches

© - DR - LA VERITE de H.G.Clouzot (1960) p2

02/10/2017 17:45 par tellurikwaves

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02/10/2017 17:30 par tellurikwaves

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    02/10/2017 17:30 par tellurikwaves

La Vérité

est un film franco-italien réalisé par Henri-Georges Clouzot, sorti en 1960.
Le film a été nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1961.
 

Dominique Marceau, une séduisante jeune femme, est jugée en cour d'assises pour le meurtre de son amant, Gilbert Tellier. Au cours des audiences, le véritable visage de l'accusée se dessine peu à peu.Gilbert, un jeune chef d'orchestre, promis à sa sœur Annie, violoniste, tombe amoureux de Dominique. C'est la première fois qu'elle se sent amoureuse. Néanmoins cela devient aussi pour elle un engagement trop important pour sa jeunesse instable. On lui reprochera ses mœurs légères durant le procès.

C'est pour Gilbert la révélation d'une passion dévorante, mais trop possessive pour Dominique. Pour Annie c'est un drame. Dominique, cependant, trompe Gilbert pour se venger après qu'il l'a quittée en croyant qu'elle l'avait préalablement trompé.Ce dernier retourne auprès d'Annie et se fiance avec elle. Dominique sombre dans la dépression en apprenant la nouvelle. Elle tente alors de revoir Gilbert. Gilbert aura encore une dernière aventure, secrète et fugace avec Dominique, mais lui dira au matin qu'il n'est plus amoureux. Dominique, dépressive, se trouve un pistolet pour éventuellement se suicider.

Des semaines plus tard, Dominique, encore amoureuse, vient au domicile de Gilbert. Alors qu'elle vient menacer de se suicider devant lui, il la repousse avec une grande violence verbale, elle le tue spontanément. Elle cherche immédiatement à se suicider, mais sans effet, ayant vidé son chargeur dans la fureur de son acte. Elle tente alors de se suicider au gaz. Sauvée in extremis, elle passe devant les assises pour meurtre.

 

Fiche technique

Titre : La Vérité

Cast

Production

Le tournage a eu lieu à partir du 2 mai 1960 dans les studios Franstudio de Joinville-le-Pont.

Autres lieux

Accueil

« Un scénario dont l'architecture est un modèle d'ingéniosité et de précision, une mise en scène qui ne laisse pas l'ombre d'une chance au hasard, une interprétation dirigée de main de maître, voilà ce que nous offre La Vérité. Jacques de Baroncelli - Le Monde »

Box office

Le film fait salle comble durant de nombreuses semaines, provoquant un bouche à oreille de qualité. Le film tiendra l'affiche de nombreux mois et deviendra encore un énorme succès pour Henri-Georges Clouzot et Brigitte Bardot avec 5 692 000 entrées en France  

Autour du film
Clouzot a déclaré avoir eu l'idée du scénario après avoir assisté à différents procès d'assises.[réf. nécessaire] Le film est notamment l'adaptation d'un fait divers bien réel, l'histoire de Pauline Dubuisson, jugée en 1953 pour le meurtre de son ex-fiancé, qu'elle a tué après qu'il a rompu avec elle et s'est fiancé avec une autre jeune femme. Si Pauline Dubuisson avait quelques traits communs avec le personnage du film, notamment les mœurs légères, ce n'était pas la jeune femme oisive du film. Le réalisateur a, par ailleurs, écarté l'épreuve subie par Pauline lors de l'épuration à la Libération, où elle fut tondue et violée pour avoir été la maîtresse d'un médecin-colonel allemand.
  • La Vérité révéla le talent de tragédienne de Brigitte Bardot dont l'interprétation fut soulignée unanimement par la critique[réf. nécessaire].
  • Brigitte Bardot et Sami Frey vécurent une histoire d'amour après le film[réf. nécessaire].
  • Henri-Georges Clouzot, connu pour sa grande dureté, sa misogynie et sa technique consistant à pousser à bout nerveusement les actrices de ses films, poussa tellement Brigitte Bardot à « cracher ses tripes », que cette dernière, trop imprégnée de son personnage bien après la fin du tournage, commit une tentative de suicide, comme Dominique à la fin du film[réf. nécessaire]. Jacques Perrin a d'ailleurs révélé qu'avec Samy Frey ils avaient tous les deux menacé Clouzot de quitter le tournage si ce dernier continuait à crier sur les acteurs[5].

Notes et références

  1. Jean Bonal [archive] sur Guitares et batteries.com
  2. Robert Valentino [archive] sur data.bnf.fr
  3. ()) Juanito Tremble [archive] sur l’Internet Movie Database
  4. Roger Lécuyer [archive] sur Encyclociné.com
  5. Thierry Chèze, « Jacques Perrin - Le grand entretien », Studio Ciné Live n°76,‎ février 2016 ,  10 10

©-DR-DU SOLEIL DANS LES YEUX de Antonio Pietrangeli (1953) fin

26/09/2017 04:24 par tellurikwaves

  • ©-DR-DU SOLEIL DANS LES YEUX de Antonio Pietrangeli (1953) fin

    ©-DR-DU SOLEIL DANS LES YEUX de Antonio Pietrangeli (1953) fin

    26/09/2017 04:24 par tellurikwaves

Distinctions/Récompenses

Showing all 1 win and 0 nominations

Italian National Syndicate of Film Journalists 1954

 

Won
Special Silver Ribbon
Antonio Pietrangeli
For his directing debut.