©-DR-DU SOLEIL DANS LES YEUX de Antonio Pietrangeli (1953) p12
26/09/2017 04:22 par tellurikwaves
Luchino Visconti / Irene Galter / Antonio Pietrangeli
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DVD Classik
Celestina est une jeune fille de la campagne qui quitte son village natal pour se rendre à Rome où elle travaille comme femme de chambre. Dans le climat débridé de la capitale, Celestina, fille plutôt réservée et naïve, passe d'une famille à l'autre. Ainsi, elle se lie d'amitié avec d'autres jeunes filles romaines et finit par faire la connaissance de Fernando, un beau plombier dont elle tombe amoureuse.
Du soleil dans les yeux est le premier film d’Antonio Pietrangeli, personnalité originale et injustement oubliée de l’âge d’or du cinéma italien. Après des études de médecine, il suit le parcours de nombreux futurs cinéastes italiens de l’époque en passant par l’écriture, d’abord au sein de la critique puis en tant que scénariste. Là, il œuvrera pour nombre de réalisateurs majeurs durant l’après-guerre comme Luchino Visconti pour Ossessione (1943) et La Terre tremble (1948), Roberto Rossellini sur Europe 51 (1952) ou dans un registre plus populaire Fabiola d’Alessandro Blasetti (1948). Sur certains de ses scripts comme La Louve de Calabre (1952) d’Alberto Lattuada, on pouvait distinguer ce qui serait la préoccupation majeure de sa filmographie à venir : la condition féminine dans l’Italie moderne.
Ce thème rarement évoqué dans la production italienne d’alors - même si pas totalement absent notamment chez Dino Risi avec Boulevard de l’espérance (1953) ou Le Signe de Vénus (1953) - le distingue donc et fera la réussite d’Adua et ses compagnes (1960), La Fille de Parme (1963) ou Je la connaissais bien (1965), mettant en valeur de grandes actrices comme Simone Signoret, Catherine Spaak, Stefania Sandrelli. Tout cela brille donc déjà dans cet inaugural Du soleil dans les yeux.
Le film s’ouvre sur le départ douloureux de Celestina (Irène Galter), contrainte de quitter son village natal et ses frères pour travailler à Rome comme femme de chambre. Pour la jeune paysanne, tout dans cette nouvelle vie est source de frayeur : l’immensité de cette ville où elle se perd dès la première course à effectuer, les remontrances de son intolérante patronne et surtout la terrible solitude qui la ronge. Pietrangeli traduit formellement chacun de ces manques, perdant la frêle silhouette de Celestina dans la largeur d’une rue qu’elle traverse maladroitement, opposant l’aisance de mouvement et de l’éloquence de la patronne à son mutisme craintif et figé et enfin en contrastant sa tenue de paysanne godiche avec les jeunes femmes apprêtées de son âge qu’elle croise.
L’apprentissage de Celestina se fera à travers les différentes familles qu’elle servira et surtout par son expérience des hommes. Chaque "employeur" représente une tranche sociale de l’Italie d’alors et voit Celestina gagner en confiance et en répondant, ce qui se répercute dans son rapport aux hommes et inversement. Paysanne apeurée de tout, elle tremble comme une feuille face aux vociférations de sa cruelle patronne représentant la nouvelle bourgeoisie snob symbolisée par l’immeuble moderne où elle vit.
Cette angoisse se ressent dans le rejet des tentatives d’approche de Fernando (Gabriele Ferzetti), un séduisant plombier qui lui plaît pourtant. Le professeur à la retraite chez lequel elle officie ensuite s’avère paternel et bienveillant, mais illustre à sa manière cette vieillesse rejetée dans l’Italie pauvre et en reconstruction que montrait Vittorio De Sica dans Umberto D (1952). Là, fiancée à un très conformiste et ennuyeux policier, Celestina montrera les premiers signes d’émancipation en finissant par repousser ce prétendant à la moralité hypocrite.
Notre héroïne semble alors désormais maîtresse de ses choix professionnels et amoureux en cherchant une emploi à proximité du lieu de travail de Fernando qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. La nouvelle place représente l’aristocratie italienne encore toute puissante ; mais alors que les lieux en imposent bien plus par leur luxe et leur espace, Celestina n’éprouve plus aucune crainte, désormais habile à duper ses employeurs. La quête de séduction de Fernando l’a rendue mutine et assurée, le lieu de travail n’étant plus un cadre de souffrance mais un moyen de l’attirer avec un incident de plomberie "volontaire".
Le regard et les caresses de l’être aimé surmontent tout, y compris la nouvelle perte d’une place ou encore la vindicte morale qui traverse tout le film via l’Eglise et les différents échelons sociaux nantis rencontrés. Antonio Pietrangeli daigne alors enfin élargir l’horizon tant physique que mental du récit. Une magnifique séquence romantique à la campagne, baignée d’une imagerie impressionniste, repousse pour un court instant tous les clivages sociaux et moraux qui oppressent Celestina. Irène Galter, dont le visage au bord des larmes ou profondément mutique illustrait détresse et résignation, s’illumine enfin.
Le corps raide et engoncé se fait plus lascif, l’allure plus séduisante avec cette resplendissante robe d’été, en un mot plus féminine car enfin aimante. Une nouvelle fois, le parallèle pourra être fait avec l’épanouissement de sa nouvelle place chez de riches commerçants au ton rieur et populaire qui là annoncent les nouveaux riches du miracle économique italien. L’ultime épreuve de Celestina sera pourtant de s’affranchir de l’autre dans une société où la quête de richesse prime sur tout. Elle en fera l’amère expérience en filigrane tout au long du film, poursuivie ou repoussée pour son attrait pécuniaire autant que pour sa beauté. Les héritiers du vieux professeur la menacent de procès en découvrant que celui-ci envisage de lui léguer ces terres, possibilité qui semble nourrir la passion du prétendant policier. Fernando, bien que sincèrement amoureux, hésite ainsi avec une fiancée richissime qui le couvre de cadeaux et l’associera à un commerce lucratif.
Les seules relations fiables synonymes d’amitiés s’illustrent à travers les femmes et plus précisément les ouvrières entre elles. Les exemples d’émancipation avec Marcella (Pina Bottin) qui élève son fils seule, d’entraide lorsque cette même Marcella sert de fausse référence aux futurs employeurs, de soutien moral constant et d'échanges à coeur ouvert, tout cela passe par des figures féminines compréhensives issues du même monde. Ainsi, malgré une conclusion qui pourrait paraître très sombre, Antonio Pietrangeli achève son film sur une vraie note d’espoir en montrant combien cette solidarité féminine inaltérable sera le socle des libertés futures. Un message poignant et d’une grande finesse.
"Il est interdit de danser le boogie-woogie"
ANTONIO PIETRANGELI était appelé « directeur des femmes ». Pour sa capacité unique à exprimer absolument toutes leurs forces et leurs faiblesses, dans une Italie néoréaliste et cela donnera naissance aux meilleures comédies italiennes.
Né à Rome le 19/01/1919l il est mort prématurément noyé en 1968 à Gaeta pendant un tournage .Ses premiers pas dans le monde du cinéma seront en tant que superviseur de Luigi Chiarini, puis assistant réalisateur sur Obsession de Luchino Visconti, et travail commun avec Pietro Germi, Alberto Lattuada et Mario Camerini, et Roberto Rossellini.
Ces caractéristiques définissent sans aucun doute Antonio Pietrangeli comme l'une des personnalités les plus innovantes du cinéma italien des années 50 et 60. Son film les plus réussi est JE LA CONNAISSAIS BIEN en 1965 avec Stefania Sandrelli à son plein potentiel. Dans le film, Sandrelli joue Adriana, une jeune femme qui quitte la maison et se rend à Rome pour chercher sa fortune et elle y subira tant de promesses faites par l' opportunisme gluant publiciste (Nino Manfredi), un agent de presse (Franco Fabrizi) et un acteur (Enrico Maria Salerno) . Construit comme une mosaïque parfaite, l'histoire d'Adriana est un portrait d'une jeune fille où tout semble glisser vers une fin dramatique.Citons également The Bachelor (1955) avec Alberto Sordi et Sandra Milo, découverte de Pietrangeli. .
Dans ADUA ET SES COMPAGNES, il aborde la question de la prostitution suite de la loi Merlin. Après la fermeture des maisons closes, quatre prostituées - Adua(Simone Signoret), Lolita (Sandra Milo), MARILINA (Emmanuelle Riva) et Milly (Gina Rovere) - ouvrent un restaurant avec l'aide d'un de leurs clients et après un démarrage apparemment rentable elles seront obligées de retourner vers leur ancien métier. Avec en vedette Marcello Mastroianni et Domenico Modugno.
LA FILLE DE PARME film basé sur le roman Bruna Piatti, donne une triste image de la mesquinerie et l'égoïsme de la petite bourgeoisie de province avec la sensuelle Catherine Spaak, qui, après la première expérience traumatisante de l'amour avec un séminariste accumule diverses relations quelque peu bizarres: d'abord avec un agent de police (Lando Buzzanca) puis avec un photographe opportuniste (Nino Manfredi) .
ANNONCES MATRIMONIALES avec Sandra Milo et François Perier. Le film implique une femme de province (Milo) et un bibliothèque romain engagé (Perier),vulgaire et méchant, cupide et hypocrite qui se sont rencontrés par une annonce dans un journal.
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Filmo
1953 DU SOLEIL DANS LES YEUX...IL SOLE NEGLI OCCHI
1954 AMOURS D'UNE MOITIE DE SIECLE (SEGMENT "GIRANDOLA 1910")
1955 LE CELIBATAIRE ...LO SCAPOLO
1957 SOUVENIRS D'ITALIE
1958 LES EPOUX TERRIBLES..NATA DI MARZO
1960 ADUA ET SES COMPAGNES ...ADUA E LE COMPAGNE
1961 FANTOMES A ROME ...FANTASMI A ROMA
1963 ANNONCES MATRIMONIALES ...LA VISITA
1963 LA FILLE DE PARME ..LA PARMIGIANA
1964 LE COCU MAGNIFIQUE ...IL MAGNIFICO CORNUTO
1965 JE LA CONNAISSAIS BIEN ...IO LA CONOSCEVO BENE
1966 LES OGRESSES (SEGMENT "FATA MARTA")...LE FATE
1969 QUAND, COMMENT ET AVEC QUI? ..COME, QUANDO, PERCHE
LE MONDE
On n’ose appeler rétrospective le furtif coup de projecteur passé par le festival Lumière sur Antonio Pietrangeli, réalisateur méconnu en France, tiré en trois titres sec des profondeurs archivistiques du cinéma italien. Sa carrière fut certes courte. Médecin de formation, puis critique de cinéma, il la commence comme scénariste, auprès de Luchino Visconti (Les Amants diaboliques, 1943) et Roberto Rossellini (Europe 51, 1952). Son parcours de réalisateur compte une dizaine de longs-métrages, réalisés entre 1953 et 1968, date à laquelle il se noie accidentellement sur son dernier tournage.
Parmi les titres présentés à Lyon, on redécouvre son tout premier film, Du soleil dans les yeux, qui est concomitamment resorti dans les salles mercredi. Et, du même coup, son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale – sur fond de développement économique et de mutation sociale rapides –, attirée par la grande ville où ne l’attend que désillusion et humiliation. C’est la veine féministe et sociale de Pietrangeli qui s’exprime dans la majorité de ses films.Son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale
Le film met en scène la montée à Rome de Celestina, beau brin de fille aux rondeurs escamotées par sa mise rustique, naïve et croyante, quittant à contrecœur son village de Castelluccio (Ombrie) pour trouver du travail dans la capitale. L’Eglise et ses œuvres, incitant ses ouailles à la soumission et au respect des mœurs, y fait office d’agence de placement, discrètement dépeinte par Pietrangeli comme une force qui marche main dans la main avec un ordre social sans foi ni loi. Les premières images de Rome, découvertes par le spectateur en même temps que l’héroïne, sont celles d’une ville qui change à marche forcée, au risque d’y perdre son âme. La famille où est placée la jeune fille y est montrée en plein emmémagement, couple mequin et vociférant, rabrouant immédiatement la petite bonne....
Courte carrière que celle d’Antonio Pietrangeli, nouveau repêchage italien ramené des profondeurs des archives. Médecin de formation, puis critique de cinéma, il commence sa carrière comme scénariste, avec notamment Luchino Visconti (Les Amants diaboliques, 1943) et Roberto Rossellini (Europe 51, 1952)Son parcours de réalisateur proprement dit, qui se situe à mi-chemin du néoréalisme et de la comédie italienne, compte une dizaine de longs-métrages, réalisés entre 1953 et 1968, date à laquelle il se noie accidentellement sur son dernier tournage.
On découvre aujourd’hui son tout premier film en tant que réalisateur, Du soleil dans les yeux. Et, du même coup, son thème de prédilection : le fourvoiement de la jeune provinciale attirée par la grande ville où ne l’attend que désillusion et humiliation.Nous sommes en 1953, quelque chose mute, y compris dans le cinéma italien, comme en témoigne ce mélo social qui met en scène la montée à Rome de Celestina,beau brin de fille naïve et croyante, quittant à contrecœur son village de Castelluccio (Ombrie) pour trouver du travail dans la capitale. L’Eglise et ses œuvres, incitant ses ouailles à la soumission et au respect des mœurs, y fait office d’agence de placement, discrètement dépeinte par Pietrangeli comme une force qui marche main dans la main avec un ordre social sans foi ni loi.
La famille où est placée la jeune fille y est montrée en plein déménagement, dans un immeuble flambant neuf, dans le plus grand énervement et la plus grande mesquinerie. Un couple de petits-bourgeois qui s’agite et vocifère, tout à la joie de montrer son ascension et la nécessité conséquente de rabrouer immédiatement la jeune provinciale placée chez lui. Avec cette nouvelle place, Celestina inaugure une sorte de chemin de croix qui va la soumettre aux perversions de la grande ville, la jeter dans le désespoir et corrompre in fine son propre tempérament. Le manichéisme de ce schéma est évidemment la limite du film, qui vaut surtout pour la coupe sociale qu’il offre du pays, à travers ses divers personnages.
J. M.