©-DR-SUMMER d'Alanté Kavaïté, (2015) p17
27/07/2017 03:37 par tellurikwaves
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Summer (Sangailes vasara, l’été de Sangaïlé) est le second long métrage de la réalisatrice-scénariste lithuanienne Alanté Kavaité, après Fissures - Ecoute le temps, un thriller fantastique, tourné en France en 2006, avec Émilie Dequenne dans le rôle principal.
Summer offre une rare occasion de découverte du cinéma lithuanien, peu présent dans nos bacs. On y trouve cependant plusieurs documentaires de Jonas Mekas et, du côté des fictions, quelques titres, dont La Révolte des Insoumis (2011) de Donatas Ulvydas, Vanishing Waves (Aurora, 2012) de Kristina Buozyte, Redirected (2014) d’Emilis Velyvis. Le plus présent étant Sharunas Bartas, avec Few of Us (1996), The House (1997), Seven Invisible Men (2005) et Indigène d’Eurasie (Les derniers jours d’un mafieux) (2010).
La délicate sensualité du film tient autant à la photo éthérée de Dominique Colin, capturée par une caméra légère dans la pâle lumière de l’été nordique, qu’aux scènes intimes entre les deux jeunes filles, filmées avec pudeur. Difficile, également, de ne pas être touché par l’étrange beauté de Julija Steponaityte, l’interprète de Sangaïlé.
Mais Summer raconte surtout la sortie de Sangaïlé d’une adolescence vécue dans une douleur silencieuse dont on ignore les causes. Les connaît-elle, elle-même ? Il faudra, pour l’inciter à sortir de son enfermement, la rencontre fortuite avec Austé, une tout autre fille.
Summer révèle, par la force des images, séquence après séquence, le contraste entre les deux adolescentes. L’une semble traîner son ennui, ne s’intéresse à rien. À rien, sauf aux avions qui la fascinent, mais lui font peur, car elle souffre du vertige. Et aussi d’un autre mal, indéfinissable, qui la pousse à se punir en se scarifiant les avant-bras avec la pointe d’un compas. Austé, à l’inverse, semble déborder de confiance en elle et s’agite, comme un électron libre : elle dessine des tissus, crée des vêtements, photographie ses modèles dans des compositions surréalistes…
Dans la chambre de l’une, un lit et une lampe de chevet, un tapis monochrome, aucune décoration sur les lambris, un discret mobile en bois au plafond, rien d’autre. Dans la chambre de l’autre, s’entasse un impossible capharnaüm multicolore d’objets hétéroclites ; des éclats de miroirs pendent du plafond, au milieu duquel trône… un fauteuil !
L’environnement du drame est également contrasté : la douceur d’une campagne baignée par une douce lumière estivale, avec laquelle s’harmonise l’accompagnement musical de Jean-Benoît Dunckel, tranche avec l’agressivité des cheminées d’usine sur la rive du lac opposée à celle où Austé et ses amis viennent se baigner.
Summer nous montre, avec une remarquable économie de dialogues, seulement par les images, comment Austé réussira, par une suite de petites attentions, à apprivoiser, puis à séduire Sangaïlé et à l’aider à sortir de sa coquille. Cela commence par quelques regards, puis se poursuit par la scène très tendre où, lui ayant proposé de lui faire une robe, elle lui demande, pour prendre ses mesures, de se déshabiller.
Sangaïlé est mal à l’aise, honteuse de son corps. Contraste, là encore, avec sa totale libération qui adviendra plus tard, dans une belle scène quasi-féérique, filmée sous l’éclairage de loupiotes cousues sur les deux robes confectionnées par Austé.Si vous avez raté Summer en salles, la sortie du DVD vous donne une seconde chance de voir un film délicatement envoûtant, hypnotique.
Aïsté Dirziuté
Julija Steponaïtyté
cryssilda.canalblog.
Summer (2015, 1h30)
Film d'Alanté Kavaïté (Lituanie)
Avec Julija Steponaïtyté, Aïsté Dirziuté, Juraté Sodyté, Martynas Budraïtis
Sangaïlé vient passer ses vacances d'été avec ses parents, comme tous les ans, dans leur maison de campagne dans la forêt, tout près de Vilnius. Elle assiste à un spectacle de voltige aérienne qui la fascine. Elle gagne le premier prix de la loterie qui est un vol avec un champion du monde, elle refuse pourtant son prix. Lors de cette fête, elle rencontre Austé, une jeune fille qui travaille sur l'aérodrome.
Au cours des jours et des soirées d'été entre jeunes, elles vont devenir très complices, amies puis amantes. Summer raconte l'histoire de cet été à se découvrir, dans ce film d'apprentissage, Sangaïlé, jeune fille timide et mal dans sa peau, va s'épanouir devant nos yeux.
Summer met à proximité deux jeunes filles de dix-sept ans aux personnalités opposées. Sangaïlé semble subir sa vie, son été avec ses parents, comme une fatalité et un devoir auxquels elle ne peut pas échapper. Elle est mal dans sa peau, introvertie et se sacrifie. Le dialogue avec ses parents semble rompu et leur maison de vacances apparaît comme grande, vide, silencieuse et froide. Autour, la forêt rugit et un lac alentour appelle à la fraîcheur, au retour aux sources, à la méditation.
Austé, quant à elle, est une jeune fille extravagante à la sensualité exacerbée. Elle n'a pas le même confort de vie de toute évidence, elle vit dans un vieil HLM et occupe des petits jobs pour payer ses études.Les deux jeunes femmes sont comme le reflet inversé de l'autre, comme un négatif qui a besoin de l'autre pour se révéler. Sangaïlé s'habille sobrement, elle est filiforme et veut passer inaperçu, comme c'est d'ailleurs le cas dans sa famille. Austé, au contraire, joue de son corps et de son apparence, elle est créative et prend sa vie en main pour créer son univers propre, dans lequel elle se sent bien. Son corps est son moyen d'expression ainsi que les vêtements qu'elle crée.
Forcément, cette rencontre va être riche et tumultueuse. Austé, emplie de douceur, va essayer de redonner envie à Sangaïlé d'habiter pleinement son corps, tout d'abord en l'habillant différemment, puis en la photographiant pour sublimer l'apparence de la jeune fille et lui redonner confiance.Pleine de sensualité, elle va également séduire Sangaïlé; lui faire découvrir la sexualité et l'aider à assumer son corps, à aimer son corps.
C'est une véritable rencontre qui a lieu entre les deux jeunes filles, une relation éphémère qui ne durera que le temps d'un été mais pilier sans conteste de la vie de Sangaïlé qui profitera de cet amour et de cet appui pour vaincre ses peurs. Sangaïlé comprendra que si elle ne veut pas reproduire les frustrations de sa mère, elle devra prendre sur elle et surmonter ses propres phobies.
C'est un très beau film plein de silences, de sensualité, de lenteurs qui donnent une sensation de douceur. Il n'y a aucun jugement sur ces deux jeunes filles qui entament une relation lesbienne. "Les errances, souffrances et tendances autodestructrices ne sont que des étapes pour trouver l'équilibre, s'émanciper et grandir. Il ne faut pas dramatiser àoutrance" dit Alanté Kavaïté (la scénariste) et c'est tout à fait le sentiment que j'avais en sortant de la séance : C'est un film qui montre l'amour, la tendresse, la sensualité mais sans aucun regard dur ni jugement, l'histoire passe tout en douceur.
J'ai beaucoup aimé ce film, même la sensualité exacerbée qui aurait pu me déranger. C'est une belle histoire d'amour d'été entre deux jeunes femmes qui profiteront de cette rencontre particulière pour avancer et se construire. Les comédiennes donnent le ton juste et le décors et la photographie ne gâchent pas notre plaisir.